Par IHRC
Le génocide en cours à Gaza ne figure pas dans la liste des génocides cités par HMD
Holocaust Memorial Day Trust
PO Box 61074
London SE1P 5BX
27 November 2024
Madame, Monsieur,
Absence du génocide en cours à Gaza dans la liste des génocides cités par HMD
La page d'accueil du site official de la Holocaust Memorial Day (journée commémorative de l'Holocauste) présente ainsi sa mission : « se souvenir des 6 millions de juifs assassinés pendant l'Holocauste, ainsi que des millions d'autres personnes assassinées au cours des persécutions nazies d'autres groupes, et plus récemment lors des génocides au Cambodge, au Rwanda, en Bosnie et au Darfour.»
L'énoncé de la mission exprime clairement que la notion de génocide ne se limite pas à une période spécifique de l'histoire, à une région géographique ou à un groupe de personnes.
Il est essentiel que ces considérations demeurent au premier plan de toute commémoration de l'Holocauste. Il n'existe pas de hiérarchie des génocides ou des souffrances et la commémoration n'est pas conditionnée par l'origine des victimes ou celle des auteurs de l'un ou l'autre des génocides. Tout génocide est moralement odieux.
Par conséquent, c'est avec une vive inquiétude et une grande déception que nous constatons que le génocide en cours à Gaza ne figure pas sur la liste des génocides évoqués par HMD. Le fait de ne pas l'inclure dans les commémorations saperait un objectif fondamental de la commémoration de l'Holocauste, à savoir contribuer à prévenir d'autres génocides et à mettre un terme aux génocides lorsqu'ils se produisent, plutôt que d'être un exercice symbolique de mémoire d'atrocités historiques.
Il ne fait guère de doute que l'attaque sauvage par Israël de la population assiégée de Gaza constitue un génocide. En effet, les organisations et personnalités citées ci-après ont toutes défini les atrocités comme équivalant à un génocide, ou comme c'est le cas pour la CIJ, estiment qu'il existe suffisamment de preuves pour juger l'état d'Israël pour crime de génocide.
Le 29 décembre 2023, le Lemkin Institute for Genocide Prevention (Institut Lemkin pour la prévention du génocide) a publié une déclaration, « Pourquoi nous qualifions l'attaque israélienne contre Gaza de génocide ». La déclaration disait : « L'institut Lemkin estime que les représailles d'Israël contre les Palestiniens reviennent non seulement à des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, mais aussi à un génocide. »
Le 26 janvier 2024, dans son arrêt sur l'affaire opposant l' Afrique du Sud à Israël la Cour Internationale de Justice de la Haye a déclaré « qu'au moins certains des actes et omissions qui selon les accusations de l'Afrique du Sud auraient été commis par Israël à Gaza semblent pouvoir tomber sous le coup des dispositions de la Convention (sur le génocide).
Le 5 mars 2024 l'Organisation of Islamic Cooperation (l'Organisation de la Coopération Islamique) a adopté une résolution qui « souligne sa ferme condamnation de l'agression barbare globale sans précédent contre les civils de la Bande de Gaza assiégée et de l'ensemble du Territoire Palestinien Occupé, comprenant assassinats, bombardements, destructions délibérées, et la commission d'atrocités à leur encontre, dont le crime de génocide... » et « tient Israël, la puissance occupante, pleinement responsable du sort des civils de la Bande de Gaza et du génocide en cours dont ils sont victimes ».
Un rapport de l'ONU, « Anatomie d'un Génocide » publié le 26 mars 2024 par Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits humains dans les Territoires Palestiniens déclarait : « Après presque six mois d'une attaque incessante contre la Bande de Gaza occupée, j'ai le devoir solennel de rendre compte du pire dont l'humanité est capable et de présenter mes observations. Il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant la commission du crime de génocide a été franchi. »
En mai 2024, un rapport du University Network for Human Rights (Réseau universitaire pour les droits humains) parvenait à la conclusion suivante : « les actions menées par le gouvernement et l'armée d'Israël dans et contre Gaza après les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 violent les interdictions en droit international relatives à la commission d'un génocide. »
Le rapport constitue l'analyse juridique la plus approfondie à ce jour du « crime des crimes » défini dans la Convention sur le Génocide de 1948 et la jurisprudence internationale correspondante, appliquées aux faits sur le terrain à Gaza depuis le 7 octobre. Il en conclut que les actions d'Israël ont atteint le seuil juridique du génocide générant l'obligation légale pour Israël et la communauté internationale de mettre fin au massacre.
En juin 2024, le co-fondateur de Human Rights Watch Aryeh Neier, a accusé Israël de commettre un génocide à Gaza. M. Neier, qui est juif et a survécu à l'Holocauste, a dit qu'Israël s'en était rendu coupable en faisant obstacle à l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza.
En plus de ces caractérisations, nos écrans et réseaux sociaux sont quotidiennement bombardés depuis le 7 octobre 2023 d'images horribles de Palestiniens innocents se faisant massacrer de sang-froid par les forces d'occupation israéliennes, ne nous laissant peu de doute quant à la perpétration en direct sous nos yeux d'un génocide. A cette date au moins 42 000 personnes ont été tuées tout en étant privées des conditions élémentaires nécessaires à la vie humaine.
Compte tenu des preuves accablantes indiquant que le crime de génocide est en train d'être perpétré à Gaza il est impératif, si HMD entend garder sa crédibilité en tant que commémoration, que cette dernière ait véritablement une envergure universelle et reconnaisse en tant que tel le génocide qui se déroule actuellement à Gaza.
Il est également impératif si nous voulons rester fidèles à l'objectif d'arrêter les génocides en cours et de prévenir tout futur génocide que nous incluions le génocide qui nous est contemporain.
Ne pas reconnaitre Gaza comme le site d'un génocide consiste à garder le silence face à une profonde injustice. Un tel silence accorde à Israël une couverture politique et morale tandis qu'il poursuit sa campagne meurtrière à Gaza. Participer aux commémorations de HMD qui en excluent Gaza revient à pleurer les victimes des génocides du passé tout en fermant les yeux - et, dans certains cas, en lui apportant un soutien implicite - sur le massacre en cours des Palestiniens.
Nous exhortons les sympatisans à demander aux organisateurs du HMD de tenir compte du génocide à Gaza dans leur commémoration de 2025. En cas de refus, nous vous demandons de prendre les mesures suivantes :
- 1. Rendre public le refus de l'organisateur de la commémoration de prendre en compte tous les génocides, y compris celui des Palestiniens à Gaza.
- 2. Organiser un boycott de sa commémoration jusqu'à ce qu'il s'engage à s'opposer à tous les génocides et à les condamner universellement.
Si nous ne prenons pas la défense des Palestiniens, l'histoire se souviendra de nous en tant que complices de leur extermination sauvage - parce que nous avons gardé le silence, parce que nous n'avons pas bougé quand il était possible d'agir, parce que nous avons omis d'exiger du monde qu'il reconnaisse le crime perpétré contre eux.
Pour être véritable, notre engagement en faveur de « Plus jamais ça » doit s'appliquer à tous les peuples, en tous lieux.
Dans l'espoir d'un retour de votre part dans les plus brefs délais.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur l'expression de nos salutations distinguées.
Massoud Shadjareh
Président de la Commission islamique des droits de l'homme
Auteur : IHRC
* L'IHRC - Islamic Human Rights Commission ou Commission islamique des droits de l'homme - est une ONG indépendante qui lutte pour la justice pour tous les peuples, indépendamment de leur appartenance raciale, confessionnelle ou politique. Créée en 1997, elle est une organisation à but non lucratif dotée d'un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies. Les bénévoles et les militants de la CIRH viennent de nombreuses régions du monde et d'horizons très divers pour partager la lutte commune contre l'injustice et l'oppression.
17 décembre 2024 - Islamic Human Rights commission - Traduction: Chronique de Palestine - MJB